Chapter 2

Emile Leblanc tells us his memories : 2/5

THE SEA, FOOTBALL AND CINEMA

A l'âge de 15 ans, je recevais 20 francs pour ma semaine, avec ce pécule, nous allions mon cousin et moi au Standard ou à Tilleur, le tram vert coûtait 0,25 centimes, entrée gratuite au stade jusque 12 ans et après on essayait de tricher un peu, au time nous achetions une gaufre aux fruits et un nanouk (choco glacé), au retour nous allions près de nos parents au magasin ouvert rue du Pont d'île pour souper, ensuite séance au Forum ou au Palace; tous les jours dans ses deux salles, le programme se composait comme suit :

  • Les actualités Fox Movietone ou Pathé
  • Un documentaire ou un dessin animé
  • Après l'entracte et ses publicités, orchestre et 2 attractions sur scène
  • Le grand film

Pendant la guerre de 1940 et après avec ma future épouse, nous avons vu les débuts de Henri Garat, Brel, Bécaud, Piaf, Les compagnons de la chanson, Tino Rossi, Aznavour, Moreno, Salvador, un spectacle mémorable avec Joséphine Baker, etc.

Au Palace pendant le spectacle, on pouvait à son fauteuil boire une consommation. Un garçon de café passait entre les rangées et prenait commande. Dans le fond de la salle, il y avait le tee room, où, assis à une table pour quatre personnes, l'on pouvait se faire servir pâtisseries et boissons.

Au sortir du cinéma pour terminer la soirée et obligatoirement être rentrés pour 10 heures, nous allions à la Lanterne boire un Dortmund et ... je faisais encore des économies en semaine pas question de sortir, le travail ne manquait pas.

Il y avait quantité de cinémas à Liège, rue Pont d'Avroy, le Cinéac, où le dimanche de 10 à 12 heures pour 2 francs l'entrée, passait exclusivement des documentaires. Mais aussi le Forum, le Palace, rue du Mouton Blanc le Churchill, au boulevard de la Sauvenière le Carrefour (banque G), le Crosly (à côté de la Meuse) avec dès l'entrée la statue de la Reine Astrid présentant à la foule du balcon de l'hôtel de ville le petit prince de Liège.

(Roi Albert II) lors de sa joyeuse entrée à Liège avec le Roi Léopold III, ensuite l'Astoria (Innovation), le Mondain et l'Américain, cinémas populaires, tous deux rue de la Régence. Que de bonheur avec les films de Charlot, Harold Lloyd, Double Patte et Patachon, Buster Keaton, Laurel et Hardy etc. Le premier film parlant, "le Chemin du Paradis" avec Henri Garat, Liliane Harvey, Pils et Tabet est resté des mois à l'affiche.

Il y avait aussi le cinéma Rio à Sclessin où il a eut de nombreux morts. Un de nos ouvriers présent, donna l'alerte et sortit sain et sauf, le Roi vint rendre hommage aux victimes les jours suivants.
 

LONGUES JOURNÉES, LONG APPRENTISSAGE

Ayant pris le métier de mes parents dès 1937, j'ai commencé au bas de l'échelle, c’est-à-dire, coursier, nettoyage, etc. "il fallait savoir travailler et obéir avant de pouvoir commander". Je servais même à domicile à vélo quelques clients le dimanche matin, de 1937 à février 1940 (l’entrée soldat allemand) le dimanche à 5 heures du matin, j'allais avec mon Père aux abattoirs de Chénée, afin de choisir le premier choix dans les porcs, on les amenait dans la matinée du même dimanche et il fallait les mettre à point, c'est-à-dire, couper certaines parties des carcasses et les descendre dans les frigos.

Pendant plus de 40 ans, se modernisant au fil des années, malgré des ateliers bien équipés pour l'époque, nous avons travaillé sur trois étages, frigos au sous sol, atelier de fabrication et de cuisson au rez-de-chaussée et frigos, séchoir et atelier de découpe au premier étage. Que d'efforts et de peines pour tous, minimum plus de 55 heures semaine au début, cela ne nous empêchait pas de siffler et de chanter tous, on était heureux.

Nos magasins ouverts le dimanche de 8 à 12 et de 17 à 19 heures rue Grétry, au centre de 9 à 13 heures et de 17 à 21 heures !

Notre magasin du centre ouvert en 1935 fut fermé de mai 1940 à septembre 1946, moment où le ravitaillement revenait doucement et la location payée 6 ans magasin fermé. Aussi a-t-il fallu après la libération, travailler ferme pour rattraper le temps perdu, jeunes mariés nous étions de service un dimanche sur deux, comme distraction le dimanche le foot et le mardi soir, soirée au cinéma, souvent au Marivaux rue Vinâve d'Ile. A cette époque, nos parents prenaient la garde de nos deux premiers fils.

Comment oublier aussi cette époque avant 1940, où en plus du foot, la Belgique entière en juillet se passionnait déjà pour le tour de France, celui-ci se courait par équipes nationales aux couleurs belges sur les maillots, Romain Maes gagna une fois la première étape et gardait le maillot jaune jusque Paris, que dire des Silvère Maes, Félicien Vervaecke, Vissers, Jean Aerts, Eloi Menlenberg, Masson, Van Loy, Dupont, Brankart etc. etc., on s'arrachait les éditions spéciales des journaux, pour savoir qui gagnait l'étape du jour, chez les Français je me rappelle les frères Pélissier, Lapebie etc. Il n'y avait pas de reportage à la radio, il fallait aller au cinéma pour voir les actualités avec une semaine de retard.

Comme grandes surfaces de vente, il y avait le Grand Bazar de la place St Lambert, le Bon Marché, Sarma et l'Innovation au centre ville rien dans la périphérie. Il y avait pour les clients du personnel aux ascenseurs et aux portes d'entrée tournante.

Pour la conservation des aliments, une bonne cave, car pas de frigo ménager et dans les magasins pas de comptoir ou vitrine frigo, juste un grand frigo où on allait chercher pendant les chaleurs les produits demandés par le client.

Une petite idée du coût de la vie avant 1940, époque bénie, tout au moins pour ceux nés du bon côté de la barrière.

  • Une toute belle paire de souliers 150 à 250 francs.
  • Un costume sur mesure (3 essayages) tissus anglais 900 francs.
  • Le kilo de beefsteak tout premier choix de 28 à 38 francs le kilo.
  • La charcuterie premier choix de 16 à 24 francs du kilo.
  • Un demi (litre) de bière 1 franc et 0,90 pour les militaires.
  • Un pain d'un kilo 1,75 francs
  • Le bâton de chocolat côte d'or 1,25 francs.
  • Le gros sachet de frites 1 franc + 0,25 pour moutarde ou mayonnaise.
  • Le cornet d'amour de crème glacée 1 franc ou 1,25 francs avec crème fraîche. Le beurre de ferme 28 à 30 francs le kilo.
  • La maquée au beurre fraîche servie dans des récipients troués Y2 kilo 0,25 franc.
  • Le lait entier à la cruche 0,35 à 0,40 centimes.
  • Une gaufre liégeoise 0,25 centimes aux fruits 0,40 centimes. Pomme de terre le kilo 0,20 à 0,25 centimes.
  • Un verre de peket au café 1 franc (32 verres au litre). Caramel au chocolat 5 pour 25 centimes.
  • Cigarettes filtre 1,25 les 25.
  • Paquet de maïs 0,25 centimes.
  • Trajet de tram N°2 du Théâtre à la rue Libotte 0,20 à la gare 0,25 Place fauteuil au Forum ou Palace 1,20 4 heures de spectacle.

N.B. : tous ces prix ont été vérifiés et discutés avec des commerçants ou des personnes de mon âge ou plus âgées.

Chez nous, les ouvriers gagnaient de 400 à 1000 francs par mois, logés et nourris, assurés contre les accidents, mais pas de sécurité sociale, ni mutuelle, malade c'était regrettable, ce qu'il y a de curieux à cette époque, un peu mal dans sa peau, on travaillait pour ne pas perdre son salaire et c'était plus de 40 heures semaine.

Les ouvriers avaient congé le dimanche, mais nous, les indépendants, on prestait encore quelques heures. Les congés payés sont venus bien après la guerre.
 

VOLEZ PIGEONS, ROULEZ JEUNESSE

On se faisait photographier aux grands événements de la vie, âgé de quelques mois, tout nu sur une peau de mouton, première communion, mariage, ou à quelques beaux moments de la vie.

Mon Père possédait un daguerréotype, ancêtre de l'appareil photo, la prise de vue s'imprimait sur verre que l'on passait à la lanterne magique. A Spa et dans les autres lieux publics, place St Lambert, il y avait toujours un photographe pour prendre un cliché souvenir, c'était un énorme appareil en bois, et l'opérateur se cachait en dessous d'un drap noir, lorsque c'était prêt "attention ne bougez plus" et il poussait sur une poire en caoutchouc qui déclenchait l'appareil, on recevait la photo une demi heure après.

Que dire aussi des pigeons et des concours, j'ai connu le pigeonnier de mon grand père, c'est un très beau souvenir, mon grand père était grand connaisseur et faisait courir ses bêtes, mon Père les garda bien longtemps. J'ai connu la foire d'Octobre depuis le début du Boulevard de la Sauvenière, jusqu'au Petit Paradis (rue de Fragnée) et tout le Boulevard Piercot, à la fin de ce boulevard près de l'évêché il y avait toujours un cirque, souvent celui des frères De Jongue, un des plus beaux manèges était le cheval galopant, parti à prix d'or au Canada pour l'expo de Montréal, je l'ai connu fonctionnant avec une énorme chaudière genre locomotive et au charbon, c'était impressionnant avec la vapeur tous les manomètres et lorsqu'on rechargeait la chaudière. Plus tard, il fut transformé à l'électricité. Ce manège était énorme, avec son imposant limonaire orné de grandes sculptures. J'en connais encore par cœur l'un des principaux airs de musique joué, les départs et fins des tours annoncés comme sur les locomotives par un sifflet à vapeur, le dessous de la chaudière était une roue dentelée, qui, comme un engrenage avec le plateau du carrousel faisait fonctionner l'ensemble. Le nom du propriétaire marqué au fronton était monsieur Boland, dommage de ne pas avoir pu garder chez nous une telle merveille du passé.

Dans le même genre de manège, la montagne russe, les barquettes pour six ou huit personnes, montaient, descendaient et tanguaient comme un navire, il ne fallait pas avoir trop mangé. Dans toutes ces attractions, il y avait le Tee Wip, le Railway en bois, le Waterchut, l'inoubliable baraque de boxe avec sa parade avec grosse caisse et tambour, pour présenter les boxeurs et attirer les amateurs qui osaient se mesurer avec eux. Cela avait un succès fou, l'amateur se faisait souvent daupiner et passait faire sa petite collecte parmi l'assistance après le combat, nous étions parvenus un jour à persuader un de nos ouvriers à aller boxer. Il avait reçu une bonne correction, c'était souvent ou des comparses dans la foule ou des soldats qui relevaient le défi. A chaque passage sur la foire, irrésistiblement, j'allais voir.

Que dire du musée Spitzner, exposant devant l'entrée ses figurines en cire de l'enfant à deux troncs et deux têtes, etc. A l'intérieur, le tout en cire, représentant ce que la médecine connaissait à l'époque, maladies, sexe, etc., interdit avant 16 ans, on se réjouissait d'avoir l'âge requis pour entrer, c'était intéressant et une sorte de mise en garde sur les maladies vénériennes exposées etc. Notre Père pour la première fois nous y accompagnait pour nous expliquer, nous mettre en garde, car nous n'étions pas aussi avancés et informés que les jeunes d'aujourd'hui.

Il y avait évidemment quantité d'autres attractions, baraque des phénomènes, palais des glaces, la roue joyeuse, tirs, tombola et tutti quanti. Notre parcours se terminait toujours par le passage chez Max, splendide installation de dégustation, magnifiquement tenue par toute une famille; sur le devant et au milieu du restaurant, on voyait travailler, servir et s'affairer les ouvriers, pâtissiers aux fers à gaufres de Bruxelles, lacements, beignets, frites, etc. Sur le côté, des loges avec tables et bancs, au fond de la salle un comptoir d'où partaient les boissons sous la surveillance du Père Max, la maman à la caisse, les cinq fils à la production avec un nombreux personnel. Sur le côté droit, une grande salle pour plusieurs dizaines de consommateurs, ce restaurant avait une renommée énorme, le monde s'y pressait, on attendait certains jours de pouvoir entrer et avoir place, de plus c'était extra comme qualité.

D'autres, bien sûr, existaient déjà aussi : Désiré de Lille, Fritz, Plouette et combien d'autres comme aujourd'hui, mais jamais plus on ne verra sur un champ de foire une installation aussi grande, belle et active.

Le troisième dimanche d'octobre était le jour des paysans. Rue Grétry, mes parents faisaient des centaines de pistolets fourrés pour les voyageurs qui venaient y passer la journée et débarquaient à la gare du Longdoz.

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