Chapter 1

Son and grandson, then in turn, father and grandfather of a butcher, Emile Leblanc tells us his memories : 1/5

INK SPOTS AND TETANUS, MAGIC LANTERN AND SOLDIER GIRLS

Né en juillet 1920, je crois être dans les rares rescapés de la vie, habitant toujours et sans discontinuer ce coin de notre bonne ville de Liège, le quartier de Longdoz.

Mes souvenirs les plus lointains, sont de l'âge de l'école vers 6 ans; j'allais sans danger de circulation, à l'école St Paul derrière la Cathédrale (actuellement un grand parking). Tous les jours, messe dans la chapelle à 8 heures. A la récréation de 10 heures, nous allions boire un verre de lait à la cuisine de l'école, le directeur était le chanoine Dejasse et la discipline rigoureuse.

Jusqu'à l'âge de 8 ans environ, l'habillement de tous les gamins était simple, culotte et vareuse de laine tricotée à la maison par les parents, tablier noir, hauts bas, gros souliers hauts, pour la pluie, un caban imperméable avec capuchon. Vers 10 ans la culotte devenait de tissu.

Avec le recul des années, je me rends compte du dévouement de nos instituteurs.
Une vie de famille extraordinaire, se déroulant dans l'amour, le travail à l'école, le respect pour nos parents, nos familles et nos instituteurs, nous les aimions et ils nous aimaient.

Des parents formidables, comme éducation, une main de fer dans un gant de velours, lorsque l'on faisait la rosse, il nous est arrivé "rarement il est vrai" d'être envoyé au lit sans souper, plus tard adolescent, pour deux heures de retenue au collège, pour motif sérieux, mon père en rajoutait deux. Oh, combien je lui en suis reconnaissant.

Cependant, ma vie n'a pendu qu'à un fil à l'âge de 5 ans, j'ai failli être emporté de l'appendicite et péritonite, mon heure n'était pas là.

Et quelle merveilleuse vie notre enfance, à l'école la première année, banc de bois, ardoise et petite éponge, touche, un trou sur le dessus du banc pour l'encrier, porte plume avec plume ballon, mallette au dos, cela nous obligeait à nous tenir droit, l'on mettait nos deux pouces dans les lanières.

Bien souvent le dimanche matin, nous allions rue de la Régence, louer des films pour notre cinéma Baby, l'après midi, c'était la réunion chez nous des cousins, tantes et oncles. On projetait les films loués et certains autres de notre collection "L'as du rail", "Charlot", etc. Papa accompagnait au piano, mon frère aîné tournait la manivelle du projecteur, la toile accrochée au lustre de la salle à manger.

Le quartier de Longdoz, était très florissant, mes parents y faisaient commerce, maison fondée en 1873 par une grand mère paternelle. Beaucoup de petites industries employaient pas mal de monde. Rue Libotte, il y avait chez Grisard, Doneux, Wathelet, et beaucoup d'ouvriers et employés. Tout au bout de la rue, à la place du gros building actuel, une capsulerie de cartouches de chasse, le personnel était presqu'entièrement féminin, par les fenêtres, on voyait fonctionner les machines. Dans les années trente, cette capsulerie explosa, il y eut beaucoup de victimes; démolie, elle ne fut jamais reconstruite.

Dans toutes les rues et quais avoisinants, d’autres petites entreprises florissantes, dont Palmolive rue des Champs, chez Romsée fabrique de brosses quai de Longdoz, une usine Englebert rue Grétry, aujourd'hui home du troisième âge.

Les parents ouvraient le magasin les dimanches de 8 à 12 heures et demie et de 17 à 19 heures, les papas se relayaient pour servir les nombreux clients, les mamans préparaient le souper, nous étions toujours au moins onze à table. A cette époque, le plat de fête était des poulets, des coucous de Malines ou de

Bruxelles, achetés le matin même chez Talbot à l'entrée de la rue St Paul face à la Cathédrale. Le dessert venait toujours de la pâtisserie Boulanger au coin de la rue de la Wache, nous y allions aussi de temps à autre le jeudi après midi goûter. Nous allions également chez Hombeek rue Cathédrale, dans cette maison, l'après midi, quelques musiciens jouaient les airs à la mode, c'était très huppé.

Nos parents étant fort occupés par le travail, nous avions aussi la chance, d'avoir une tante Berthe "de sucre". Bien souvent nous allions à Chèvremont monter le thier et boire le café à une laiterie; nous y passions des heures aux balançoires etc. A cette époque, tout le monde se connaissait et la vie autrement paisible que de nos jours, quelques voitures circulaient, les rues étaient le domaine du cheval de trait et des charrettes à bras, à certaines, des chiens étaient attelés pour tirer avec leur maître, il n'était pas rare d'y voir pousser un ou deux hommes et même des femmes. Les charrettes lourdement chargées étaient tirées. Le propriétaire s'attachait avec une sangle aux épaules et commandait ses chiens. Les charrettes plus légères étaient poussées par les brancards.

II y avait beaucoup de petits métiers, le plus beau et le plus pittoresque était à la saison, les marchandes de poires cuites, avec elles, pas besoin de réveil; elles chantaient en Wallon sur des airs propres à chacune " foo ti des peu ...res ? ". La première passait à 6 heures et demie du matin et les suivantes à heure presque fixe en début de matinée, car le travail commençait tôt pour tout le monde.

Aux charrettes dans les rues, on vendait légumes, houille au seau, bois découpés, fruits, on remoulait les couteaux, tous ces petits métiers avaient leurs clients et les appelaient de la voix en vantant leurs marchandises.

Aucun produit de consommation n'était préemballé; tout se mettait en sachets, depuis les légumes propres à chaque saison, tout comme les fruits (oranges en hiver, fraises six semaines par an) les bananes n'existaient pas encore, pas plus que les ananas ou tous les fruits exotiques. Le sucre était en vrac, les bonbons, biscuits etc. ... exposés dans de grandes boîtes de métal avec couvercle en verre.
Combien de fois suis-je allé chercher du sirop avec le pot en grès brun à sirop. Celui-ci était dans des demi-tonneaux de bois, on pesait avec des balances à 2 plateaux et des poids en cuivre de 50 grammes à 5 kilos. On n'était pas en ce temps blasé de tout ou pourri gâté comme de nos jours. Aucun produit n'était forcé; à la saison des fraises, le sucre fin n'existait pas, on cassait les morceaux de sucre avec le pilon en cuivre dans une cloche de cuivre, chacun à son tour.

Les pâtisseries étaient rares sauf au centre de la ville. Dans le quartier, il y avait cinq boulangeries de la Meuse à la Bonne femme, le dimanche ces commerçants faisaient un peu de pâtisserie et des pistolets. C'est seulement à partir des années 1930 que la pâtisserie devint plus importante. Ma Maman faisait ses tartes et on allait les porter pour cuire chez Dinrats, boulanger, près du pont de Longdoz.
Comme pains, une seule sorte, des gros et petits pains ronds de ménage en fin de semaine des pistolets. Petite remarque tous ceux qui n'ont pas plus de cinquante ans, ne sauront jamais ce que c'est un bon pain et un bon pistolet, pas plus d'ailleurs que viande, beurre, légumes, poulet, œufs etc.
 

Le cheval, roi des pavés

Les trams étaient peu développés, la ligne 4 existait déjà et la ligne 2 faisait théâtre Bonne Femme, vous pouvez en voir ces exemplaires au musée des transports en face de l'école St Ambroise.

Comme dit plus haut, les rues étaient le domaine des chevaux de trait. Tous les transports, à 95 % certainement, se faisaient encore jusqu'en 1930 avec des chars et tombereaux.
Vu le danger du tétanos, du pont neuf (actuellement pont Kennedy) à la Bonne Femme, il y avait quatre femmes de la ville qui, à longueur de journée guettaient entre les pavés des rues et ramassaient les crottins des chevaux, elles le revendaient pour les nombreux jardins, car les horticulteurs étaient nombreux dans les rues de Seraing, de Huy et quai Orban, quai sur lequel il n'y avait ni route ni circulation, toujours pour lutter contre le tétanos, la rue Grétry était lavée à grands jets d'eau par les hommes de la ville tous les jours, sauf impossibilité par le temps en hiver.

Certains chars venant de l'Espérance-Longdoz étaient tirés jusque par 3 ou 4 chevaux imposants; il n'était pas rare qu'un cheval glisse et tombe; à ce moment, c'était l'effervescence dans la rue; on prêtait main forte au cocher pour calmer la bête, la détacher des brancards afin de pouvoir la relever; c'était une attraction fort prisée des gamins dont j'étais. Combien de fois ai- je vu plusieurs hommes pousser des chars pour aider cocher et chevaux à monter la rampe du pont neuf (Kennedy) pont à cinq arches en pierre, avec des escaliers en acier côte passerelle vers des bains publics en Meuse. Deux bassins, un pour femmes et un mixte, en hiver, il y avait la traversée de la Meuse à la nage du quai Marcellis à l'évêché.

Pour moi, gamin allant à l'école au centre, une autre attraction était le passage sur la Meuse de trains de chalands. Quand les eaux étaient fortes, il y avait deux remorqueurs à vapeur qui descendaient leurs cheminées pour passer en dessous des ponts. On courait là au bon moment, les chalands attachés par des câbles d'acier à environ 30 ou 40 mètres l'un de l'autre et chaque chaland avait un marinier au gouvernail. La Meuse avait ses écluses et barrages, notamment à hauteur de l'évêché (port de yachts actuel) et au petit Paradis à l'entrée.

En été, une de nos sorties avec les parents consistait à prendre le bateau mouche à la passerelle, les écluses nous impressionnaient avec une différence de niveau de plus de trois mètres. Le bateau allait tourner au pont de Seraing et nous déposait à Kinkempois aux laiteries. Il y avait un service régulier pour le retour. Les laiteries occupaient tout le terrain où actuellement se trouve en avant du pont de Sclessin une partie du port fluvial de Liège.

Mais passons à autre chose... Les voitures des pompiers n'étaient pas aussi modernes que de nos jours. Pour se frayer un passage, un pompier agitait une grosse cloche à l'avant du véhicule, à côté du chauffeur, c'était cependant déjà des véhicules motorisés, dignes de nos jours à figurer au musée.

Pour chauffer les maisons, dans la cuisine, une cuisinière au charbon. On y brûlait tout, notamment les déchets ménagers, cela épargnait les poubelles. En hiver lorsqu'il gelait et que nous rentrions de l'école frigorifié avec nos culottes courtes, Notre Maman nous mettait sur un pavé réfractaire sorti du four et debout vers le coin de la cuisinière. En un rien de temps on était réchauffé.

Les chambres à coucher nulle part n'étaient chauffées. Il y avait chez nous un petit poêle à charbon dans l'une en cas de maladie. L'hiver on montait dormir, soit avec une bouillotte, soit avec un pavé réfractaire et il n'y avait pas plus de malades à cette époque. Les chauffages modernes se sont implantés dans les années 50.

En janvier 1926, Liège et ses environs subirent des inondations catastrophiques. Toute la rive gauche, le centre ville, les boulevards avaient un mètre d'eau ou plus selon les endroits, encore aujourd'hui sur la Cathédrale, à St Denis à St Jacques, on peut voir les plaques marquant le niveau atteint par l'eau.
Le niveau le plus haut était à l'église du St Sacrement au Boulevard d'Avroy, plus de 2 mètres de haut ; rue Grétry, seules les caves et chez nous les frigos étaient sous eau, à Seraing, les digues ont cédé et l'eau atteignait à certains endroits le deuxième étage des maisons. C'est alors dans les années suivantes que l'on construit le pont barrage de Monsin, ce qui permit de supprimer les écluses et tous les petits barrages jusque Ramet, la Meuse étant au même niveau sur tout le parcours, on haussa aussi toutes les berges du fleuve. J'ai également connu l'éclairage au gaz, toutes les rues étaient éclairées par des réverbères au gaz. Au début de l'électricité, les pannes étaient chose courante, bougies et lampes à pétrole toujours prêtes à intervenir.

Quant au téléphone, il était mural avec sur le côté une petite manivelle pour appeler la "demoiselle du téléphone" on entendait "quel numéro" nous avions le 76 à Liège! On parlait dans un entonnoir placé sur le téléphone et on mettait un des deux écouteurs à l'oreille. Une sœur de mon Père avait le 87 à Malines.

Liège avait trois régiments en garnison, le 12ème de ligne d'infanterie à la citadelle, le 14ème de ligne d'infanterie à la Chartreuse et le 3ème d'artillerie au boulevard de la constitution avec ses fameux canons de75 mm. Bien souvent en exercice, clairons et drapeau, officiers en tête le 12ème ou le 14ème passaient dans la rue, la foule les regardait passer avec fierté. Pour l'artillerie c'était plus rigolo, car les pauvres servants sur les canons ou sur les caissons à munitions étaient secoués comme des pruniers en passant sur les gros pavés des rues.

Tous ses soldats animaient à la soirée le centre de Liège ou les quartiers et faisaient le bonheur des cafés, restaurants et certains petits endroits spéciaux.
 

Table de cuisine et d'opération

Tout autre chose! Heureux les enfants de nos jours lorsqu'ils ont une angine, quelques antibiotiques et on n'en parle plus, pour nous hélas, il fallait souffrir une semaine avec fièvre, gargarismes et bleu de méthylène avant d'en être soulagés. Tout comme ma Maman et un de mes frères, je fus opéré de l'appendicite à la maison, le chirurgien se déplaçant avec le nécessaire... incroyable de nos jours! Nos Mamans et même mon épouse en 1946 - 1948 et 1955 accouchaient avec l'aide d'une sage femme et tout cela à la maison.

Le quartier de Longdoz commença à péricliter tout doucement avec la récession des années trente; mon Père eut la merveilleuse idée dès 1935 de s'installer en plus au centre ville en gardant nos ateliers et magasin rue Grétry; mon fils aîné pour la 4ème génération, est magnifiquement installé dans un magasin et atelier super équipé et moderne rue Lulay.

Pour essayer de relancer les commerces, l'association des commerçants du Longdoz inventa les braderies; à l'époque c'était formidable, un monde fou, attractions foraines ou autres place de la gare, carrousel etc. Mais cela ne durait que quelques jours et tout retombait dans la médiocrité.

Comment ne pas parler de la batte à cette époque, quel folklore, la radio etc. n'existant pas, on faisait cercle autour des petits orchestres et chanteurs de rue, toutes les nouvelles chansons y passaient, ensuite le chanteur vendait une feuille avec les paroles et la musique, lorsque j'allais à la batte c'était cela qui m'intéressait le plus, jouant du piano, j'essayais de me rappeler la musique, les camelots étaient aussi extraordinaires pour vanter leurs marchandises et après démonstration pour les vendre.

Quelle douceur de vivre à cette époque, nos jouets des soldats de plomb, trottinette, propulseur, partie de jacquet, de dames, valet de pique, nain jaune, jeu de l'oie, ramis, piquet, bataille, partie de billes sur le trottoir ou dans le jardin à Herstal, gendarmes et voleurs, cache-cache etc., on était heureux de rien.

Si en semaine on usait les vêtements habituels, nous portions tablier noir et caban pour aller à l'école St Paul et jusqu'à sept ans environ, culotte et vareuses de laine tricotées par Maman ou tante Berthe. Le dimanche, on portait le costume marin à la mode, avec le grand col et cravate, l'aîné des fils avait des cordelières rouges aux manches, col, épaules, les autres dont moi même le cadet des cordelières blanches.

En grandissant, le plus ennuyeux, les vêtements passaient du plus âgé au plus jeune, votre serviteur...
Les mamans n'étaient pas gâtées comme de nos jours, les escaliers, meubles de cuisine, les pierres de taille de façade se frottaient au sable blanc, la cuisinière en acier au noir brillant et papier émeri, comme produits d'entretien du sel de soude, du savon vert, des paillettes de savon Lux. Je vois encore Maman laver dans l'évier de la salle de bains les chaussettes. Dans ma prime jeunesse, nos bains se donnaient dans la cuisine dans une baignoire en zinc mise sur deux chaises, cependant dès 1926 mon père à l'avant-garde se fit installer salle de bains et chauffage central choses très rares à l'époque. Nous étions d'une famille travailleuse et assez aisée, très jeunes Spa étant à la mode, nos parents louaient pour les vacances une villa, par la suite ce fut la mer du nord à Duinbergen, notre maman restait avec nous, notre chère Tante Berthe la remplaçant le samedi au magasin, Papa venait le week-end.

Hélas il y eut la terrible récession des années "trente" mon Père ramassa une terrible dégelée, d'abord avec les inondations de 1926, tous les frigos et marchandises détruits, ensuite les crashs du Crédit Anversois et de la Banque Chaudoir. Adieu vacances, si ce n'est quelques jours à Thuin chez notre Tante Berthe et cela pour notre bonheur dura des années, car mes fils eux-mêmes connurent ces jours merveilleux dès l'enfance et l'adolescence.

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